Du Bepanthen® au BepanthenSensicalm®: le recyclage d’une très ancienne formulation

11 décembre 2012

Une fausse innovation

Le Bepanthen® (dexpanthénol) est une formulation connue depuis plusieurs décennies et utilisé contre l’érythème fessier du nourrisson.

Depuis peu de temps, une publicité télévisuelle nous informe que la crème BepanthenSensicalm® serait une solution optimale contre les eczémas « légers à modérés » et « sans cortisone ».

En effet, les corticoïdes ne sont plus une panacée contre les maladies de la peau (dermatite atopique, dermite séborrhéique, psoriasis, dyshidrose, etc.).

Il y a désormais une méfiance de la population car les corticoïdes ont toujours été une solution rapide mais avec dépendance et effets secondaires importants.

Les crèmes corticoïdes

Cette publicité montre bien le changement de l’information destinée aux patients atteints de réactions de la peau qui pour la plupart ont utilisé des crèmes corticoïdes.

Ces crèmes ont été prescrites dans la facilité par les médecins dermatologues et généralistes sans chercher une étiologie ou une cause précise.

En analysant les soi-disants « bienfaits » de la crème « BepanthenSensicalm® » sur le site dédié à ce produit:

http://www.bepanthen-sensicalm.fr/decouvrez-bepanthen-sensicalm

on peut rapidement être surpris de l’argumentation utilisée avec le premier titre ainsi rédigé:

« Une solution innovante sans cortisone pour l’eczéma léger à modéré »:

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) du dexpanthénol datant de 1951, on peut légitimement sourire quant à la « solution innovante » et s’étonner de ce reclycage tardif que le guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux de Philippe Even et Bernard Debré classe en E5 au niveau de son efficacité: « aucune efficacité démontrée, aucune supériorité sur les placebos » (pages 180 et 632) (1)

Misère de la recherche en dermatologie

Sur la même page du site internet du laboratoire, l’information non scientifique continue: « Une barrière cutanée endommagée entraîne une pénétration des agents irritants (rougeurs). BepanthenSensicalm® permet de régénérer la barrière cutanée endommagée et d’empêcher l’entrée des agents irritants ».

Ainsi, une réaction de la peau est réduite à un dommage de la barrière cutanée…provoquant la pénétration des agents irritants…d’où l’intérêt de BepanthenSensicalm®…

Cette argumentation est fausse car une réaction cutanée est le résultat de multiples réactions cellulaires dans la peau avec libération de médiateurs de l’inflammation (par exemple histamine, sérotonine, Paf-acether et bien d’autres médiateurs).

Cette libération de médiateurs provoque ainsi les rougeurs observées, donc il ne s’agit pas de faire une barrière contre les agents irritants qui restent totalement flous mais bien d’étudier la réaction immunologique provoquant la réaction cutanée.

Recherche d’allergènes environnementaux

La recherche d’allergènes de l’environnement pour les dermatites atopiques par exemple est déjà suffisamment astreignante pour résumer la réaction de la peau.

La stratégie contre les réactions dermatologiques devraient donc être totalement différente. Mais qui aura le courage d’attaquer cette recherche avec une motivation réelle ? Sûrement pas les vendeurs de crème qui ont intérêt à laisser le statu quo.

On voit également toutes les difficultés à identifier un allergène ou un haptène à l’origine d’une réaction cutanée.

Il y a le même problème pour chercher la cause immunologique de la dermite séborrhéique (2) et ensuite trouver une solution simple et peu coûteuse pour bloquer cette réaction immunologique (3).

Tolérance et enrobage à la sauce « médicale »

Au niveau tolérance de cette « nouvelle crème » anti-eczéma » (terminologie qui passe mieux que dermatite pour la population), il suffisait d’ajouter l’expression « dispositif médical » pour renforcer la conviction des patients quant à l’utilité du « nouveau produit »:

« La crème BepanthenSensicalm® est un dispositif médical sans cortisone efficace sur les symptômes de l’eczéma. Sans parfum, sans paraben,sans conservateur ni émulsifiant. Pas d’effet indésirable*. Efficacité cliniquement prouvée »

En lisant « efficacité cliniquement prouvée » pour convaincre le lecteur et patient qui se gratte, on ne peut s’éviter de rechercher les études cliniques publiées en dermatologie sur le site de recherche PubMed (Etats-Unis).

La dermatite atopique

Voici un exemple particulièrement évocateur d’une étude publiée récemment concernant la dermatite atopique:

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22395588

Cette étude est déjà biaisée dès le départ car le dexpanthénol (molécule du Bepanthen®) est  comparé à de l’hydrocortisone, le corticoïde le plus faiblement concentré existant.

Une véritable étude imposerait une comparaison avec uniquement l’excipient utilisé dans la formulation contenant le dexpanthénol.

En continuant la lecture des publications suivantes, on trouve une publication récente relatant deux cas d’allergie avec le dexpanthénol:

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22320671

On peut ainsi suivre les nombreuses réactions d’allergie qu’il faudra ensuite traiter avec de l’hydrocortisone et même de la bétaméthasone (Diprosone®) !

Diprosone, bufexamac et effets indésirables

Pouvoir écrire qu’il n’y a « pas d’effet indésirable » est particulièrement risqué car certains patients sont capables de s’informer correctement en lisant des publications internationales facilement accessibles.

Il faudrait essayer d’éviter l’histoire du buféxamac (Parfénac®) qui a été vendu pendant plusieurs décennies contre les réactions cutanées avant d’être retiré de la vente pour cause d’allergies, un paradoxe incroyable (4).

Les conseils du laboratoire pharmaceutique

« A utiliser dès les premiers symptômes de l’eczéma léger à modéré. En application locale sans limitation de durée. Pour toute la famille (nourrissons, enfants, adultes). Texture agréable et sans odeur. Produit disponible en tube de 20g, sans ordonnance médicale. Ce dispositif médical est un produit de santé réglementé qui porte, au titre de cette règlementation, le marquage CE. Lire attentivement la notice avant utilisation. »

On peut ainsi constater que le plus important est de traiter toute la famille en espérant vendre une grande quantité de tubes sans chercher la cause des réactions de la peau.

La recherche médicale est plutôt mal orientée et les patients devraient en prendre conscience car ils sont eux-mêmes les seuls à pouvoir modifier les orientations de la recherche !

Références

(1) Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux Philippe Even, Bernard Debré, Le cherche midi , 2012.

(2) https://www.bernardsudan.net/post/Dermite-s%C3%A9borrh%C3%A9ique%3A-la-plus-grande-imposture-du-vingti%C3%A8me-si%C3%A8cle-en-dermatologie-et-en-m%C3%A9decine2

(3) http://www.carevox.fr/sante-maladies/article/dermite-seborrheique-et-nouvelles

(4) http://ansm.sante.fr/S-informer/Presse-Communiques-Points-presse/Bufexamac-retrait-des-autorisations-de-mise-sur-le-marche-Communique

Bernard SUDAN
Bernard SUDAN

Ex Chef de laboratoire en toxicologie et pharmacologie LabHead Ciba-Geigy, CIBA, Novartis, Bâle, 1975-2006 Research Nicotine as a hapten in seborrheic dermatitis, The Lancet, British Medical Journal, British Journal of Dermatology, Food and Chemical Toxicology, « Nicotine and Immunology » in Drugs of Abuse and Immune Function Ronald R. Watson ed.

https://www.researchgate.net/profile/Bernard-Sudan
https://www.dermiteseborrheique.net

https://www.bernardsudan.net/

https://www.youtube.com/channel/UCeQB3vdsKeZU-E0zORZr0vQ?view_as=subscriber

https://blogs.mediapart.fr/bernard-sudan/blog/110720/dermite-seborrheique-et-fiasco-de-la-recherche-en-dermatologie

https://blogs.mediapart.fr/bernard-sudan/blog/170818/de-1887-2020-l-effondrement-du-dogme-de-la-dermite-seborrheique

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